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Pédagogie et vulgarisation
27/3/2024

Insectes : encore un appel à la métamorphose du système économique

4 min. de lecture
Clément Szuszkin
Consultant en développement durable

Pourquoi l’apocalypse des insectes nous concerne directement et comment agir ?

Etat des lieux

Les insectes sont présents dans notre quotidien, pourtant nos connaissances à leur sujet sont encore très limitées.

Minuscules, ils ont pourtant une importance cruciale. C’est tout un monde qui s’ouvre à nous.

Fait surprenant d’abord, leur densité. On a calculé par exemple que le poids agréé de toutes les fourmis et termites (12 millions de tonnes) serait bien supérieur à la biomasse de l’humanité toute entière (Proceedings of the National Academy of Sciences 2020)

Nous savons également qu’il y’aune très grande richesse spécifique d’insectes. Nous connaîtrions un million d’espèces sur près de 8 millions existants dans les plaines, forêts, déserts,  océans… (certaines études scientifiques montent ce chiffre à 100 millions). Chaque espèce a ses particularités et des choses à nous apprendre. Pour information : les insectes représenteraient les ¾ des espèces animales connues (selon le Museum d’Histoire naturelle).

Néanmoins, comme pour les oiseaux, nous assistons à un Printemps silencieux, comparable à celui évoqué par Rachel Carson, phénomène de disparition quotidien et sans bruit. Nous constatons toutes et tous que les insectes sont moins présents dans nos jardins depuis quelques temps.

Comment mesurer ce phénomène ?

De nombreuses études scientifiques, basées notamment sur la science participative, suggèrent des chutes d’abondance de 70 % à 80 % au cours des dernières décennies. C’est notamment le cas de l’étude « Bugsmatter » menée au Royaume-Uni par le Kent Wildlife Trust et Buglife qui invitent les citoyens à se munir d’une petite caméra sur leur plaque d’immatriculation pour comptabiliser le nombre d’insectes volants écrasés lors des trajets longues distances. L’étude la plus connue, celle de Caspar Hallman en Allemagne, corrobore également ses résultats : 75% des insectes volants ont disparu entre 1986 et 2016.

Ce qui est en jeu ?  

Dans un écosystème tout est lié. Les premières victimes de cette crise, sont donc les animaux insectivores, notamment les oiseaux. Les espèces communes d’oiseaux comme l’alouette des champs, le moineau et l’étourneau ont diminué fortement (de 90%) lors des cinq dernières décennies en Europe mais c’est aussi le cas des amphibiens (grenouilles, salamandres…), des lézards, des petits mammifères (taupes, souris) (Pollinis.org)

Le monde végétal est également affecté puisque 80 % des plantes à fleurs dépendent des pollinisateurs pour leur reproduction.

Et l’homme ?

Sans mouches, abeilles domestiques et sauvages, fourmis ou papillons, et autres insectes pollinisateurs, il n’y a plus de fleurs… Imaginez-vous alors un monde sans fruits, privé de pommes, abricots, pêches…, un monde sans légumes : où il ne pousse ni potirons ni courgettes…, un monde sans amandes, sans noix, et sans café pour les braves travailleuses.eurs…

Il n’y aurait plus que des plantes pollinisées par le vent ou auto-fécondées, comme les céréales (riz, blé…). Sans insectes, nous serions amenés à perdre les cultures les plus précieuses en termes d’apports nutritionnels et de vitamines.

Une problématique est également que plantes et insectes ont co-évolué sur des milliers d’année. Autrement dit, les plantes sont liées à des pollinisateurs particuliers. Ainsi la guêpe du figuier et le seul insecte capable de féconder les fleurs du figuier. L’hypothèse d’un remplacement des pollinisateurs par d’autres espèces est donc hors de propos.

Un rôle essentiel de certains insectes est également de lutter contre les insectes ravageurs/parasites. La disparition des insectes pourrait nous exposer à des épisodes d’invasion beaucoup plus fréquents car l’écosystème perd ses régulateurs naturels.

Les insectes ont également un rôle crucial : celui de décomposer la matière organique et les cadavres. C’est une fonction essentielle à la fois dans la prévention des bactéries (et donc des maladies) mais aussi dans la création de l’humus et des nutriments donnés à la terre.

Les insectes ont par ailleurs une place importante dans l’industrie pharmaceutique. Prenons pour exemple le venin d’un des scorpions les plus dangereux au monde appelé le rôdeur mortel (death stalker) qui est utilisé dans les hôpitaux dans le cadre de l’imagerie médicale. Ce venin a en effet la tendance à s’attacher aux cellules tumorales et est fluorescent lorsqu’il est exposé à une lumière UV. Il permet donc de déceler les traces de tumeurs notamment dans les cas complexes (recherches du Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles (États-Unis)).

Enfin, toutes les innovations par biomimétisme seront nourries par de nouvelles découvertes sur les insectes.

Une seule solution donc : protéger les insectes.

Comprenons d’abord les causes de leur disparition pour comprendre comment agir.

L’enquête de Sanchez-Bayo &al., 2019, met en avant différents facteurs :

D’abord, et ce n’est pas surprenant, la destruction des habitats (expliquerait 50% des disparitions) par l’agriculture intensive, la déforestation (pour l’agriculture) et l’urbanisation.

Deuxième facteur : la pollution (25%) et en particulier les pesticides agricoles.

 

Plusieurs pistes d’actions :

Au niveau national : la mise en place d’une solide politique de reboisement, l’installation des haies bocagères en bordure des champs et une diminution drastique des intrants chimiques dans l’agriculture sont requises.

Pour les agriculteurs.trices : il est essentiel de comprendre que chaque traitement effectué sur les insectes fait chuter la pollinisation et donc le rendement de leur exploitation. 

Il est préférable de passer par une lutte biologique, c’est à dire d’avoir recours à des insectes auxiliaires : coccinelles, guêpes, libellules, carabes, perce-oreilles...pour limiter l’impact des insectes nuisibles (pucerons, chenilles...). Et cette méthode a toujours existé, dans les jardins notamment, bien avant les pesticides de synthèse.

Au niveau individuel :

Les recommandations formulées sont issues de l’Office Français de la Biodiversité.

- Consommez bio et idéalement des produits issus de l’agriculture régénérative.

- Utilisez des produits ménagers écologiques (portant des écolabels)

- Installez un hôtel à insectes sur votre balcon qui servira de refuge.

- Plantez des herbes aromatiques/mellifères/plantes sauvages dans votre jardin ou sur votre balcon ou terrasse

- Mettez à disposition de l’eau dans une assiette plate avec des billes d’argile pour que les insectes puissent se poser dessus

- Récupérez l’eau de pluie pour arroser vos plantes : l’eau est une ressource précieuse.

- Eteignez systématiquement l’éclairage extérieur (la pollution lumineuse est nocive pour la biodiversité)

- Participez à des projets de sciences participatives pour observer et partager vos observations (voir notre futur article à ce sujet)

 

Si vous avez un jardin :

- Il vaut mieux faucher plutôt que tondre

- Laissez un espace« friche », en libre évolution

- Gardez des espaces en terre nue

- N’utilisez pas de pesticides

- Si vous trouvez un essaim, faites appels des professionnels apiculteurs qui interviendront gratuitement.

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