Retour
Actualités réglementaires et technologiques
4/5/2023

Un système de primes pour les vêtements durables en France

3 min. de lecture
Léna Collot
Consultante en développement durable

La mode est une industrie très polluante

Entre 2000 et 2015 le nombre annuel de vêtements vendus dans le monde a été multiplié par deux, pour atteindre plus de 100 milliards de vêtements (1).

 

La consommation effrénée de vêtements pose un réel problème au niveau environnemental :

Pollution de l’air : En 2015, l’industrie textile a généré 1,2 milliards de tonnes de CO2 équivalent (2).

 

Pollution de l’eau : 20% de la pollution de l’eau d’origine industrielle au niveau mondial est due à la teinture et aux traitements des textiles (3)

500 000 tonnes de microplastiques finissent dans l’océan chaque année à cause du lavage des vêtements (1)

Source : https://www.lavoixdunord.fr/609601/article/2019-07-05/la-deuxieme-industrie-la-plus-polluante-au-monde

Lorsqu’ils arrivent en fin de vie, ces millions de tonnes de vêtements représentent des quantités très importantes de déchets, qui ne sont pour l’instant pas ou peu revalorisés.

En France, seulement 38% des vêtements mis sur le marché sont collectés lorsqu’ils arrivent en fin de vie (4).

Le reste est jeté et aboutit dans une décharge ou est incinéré.

En Europe, 4 millions de tonnes de textiles sont jetés chaque année (5)

 

De plus, parmi les vêtements collectés, très peu sont recyclés en boucle fermée, c’est-à-dire recyclés en nouveaux vêtements. Cela concerne moins de 1% des vêtements (1)

 

Il est donc urgent d’agir pour rendre la mode plus responsable et de mettre en place des solutions pour réutiliser ou recycler les vêtements usagés.

 

L’Etat français l’a bien compris et a donc élaboré un plan d’action pour contribuer à rendre cette industrie plus durable.

Feuille de route de l'Etat pour rendre la mode plus responsable

Le 23 novembre 2022, le gouvernement a publié un arrêté danslequel est détaillé la feuille de route des 6 prochaines années pour rendre lesecteur textile plus responsable. Les mesures présentées sont entrées envigueur au 1 janvier 2023.

Ce projet a été porté par Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie.

Près d’un milliard d’euros vont être déployés pour soutenir la transformation de l’industrie textile via 5 leviers :

1/ Une prime pour récompenser les produits les plus responsables

Dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur, les marques de mode paie, pour chaque vêtement, une écocontribution à Refashion. Cette écocontribution permet de financer la collecte et le recyclage des vêtements en fin de vie.

Ainsi, les marques toucheront une prime pour les vêtements responsables qui sera déduite du montant de l’écocontribution.

3 types de critères pourront permettre à une marque de toucher une prime pour la production d’un vêtement :

Durabilité du vêtement

Les vêtements passeront une série de tests pour évaluer leur résistance :

Le vêtement est-il toujours en bon état après 3 lavages en machine ?

La couleur a-t-elle été altérée ?

Les fils de coutures sont-ils solides ?

Le vêtements « bouloche »-t-il ?

Le vêtement est-il résistant aux déchirures ?

Les marques pourront ainsi toucher une prime variant entre 0,21€ et 2,10€ par vêtement.

 

Certifications et labels environnementaux

Les certifications et labels environnementaux attestent du caractère durable du vêtement sur divers sujets : matières biologiques ou recyclées, absence de produits chimiques dangereux, production dans le respect des travailleurs selon une logique de commerce équitable…

8 labels ont été retenus : Ecocert Textile, Oeko-tex Made in Green, Bluesign, Fairtrade, l'Ecolabel européen, Demeter, Gots et Bioré

Pour les vêtements labellisés, les marques pourront toucher une prime allant de 0,09€ à 0,90€ par pièce.

 

Pourcentagede matière recyclée

Pour chaque tonne de matière recyclée intégrée dans la composition de ses vêtements, la marque bénéficiera d’une prime de :

1000€ si la matière est issue du recyclage de vêtements (recyclage en boucle fermée)

500€ si la matière est issue du recyclage d’autres produits (recyclage en boucle ouverte)

Cela fonctionnera uniquement pour les matières recyclées issues des déchets « post-consommateur » , c’est-à-dire des vêtements qui ont été utilisés puis collectés en fin de vie.

Les matières issues du recyclage des chutes de production ou de la transformation des produits invendus ne seront pas comptabilisées.

 

2/ La généralisation de la réparation des vêtements

44 millions d’euros vont être alloués pour déployer un plan visant à augmenter le nombre de vêtements réparés chaque année.

L’arrêté fixe un objectif de 35% de vêtements réparés en plus d’ici 2028.

 

3/ Le renforcement de la filière de collecte de textilesusagés

Refashion, l’éco-organisme en charge de la collecte des vêtements usagés, devra organiser chaque année des campagnes de sensibilisation pour informer les consommateurs sur les consignes de tri des vêtements.

Refashion devra collecter au minimum 60% des textiles usagés chaque année d’ici 2028. Cela correspond à 20 tonnes de vêtements supplémentaires collectées en 2023, 45 tonnes en 2024, jusqu’à 148 tonnes supplémentaires en 2027.

 

4/ L’augmentation du taux de textiles triés et réemployés

L’arrêté fixe un objectif de 120 000 tonnes de vêtements réemployés ou réutilisés chaque année à partir de 2024.

L’arrêté prévoit également d’augmenter le pourcentage de vêtements réutilisés localement (à moins de 1500 km du lieu de collecte) : 8% minimum en 2024, et 15% minimum en 2025

En effet, à l’heure actuelle, près de 80% de nos vêtements usagés sont exportés dans des pays en voie de développement (6). Les conséquences de cette pratique sont néfastes pour les pays destinataires : cela a fait disparaître les filières textiles locales, puisque les habitants achètent désormais ces vêtements de seconde main en provenance d’Occident, et les vêtements dont personne ne veut finissent quand même dans une décharge, transférant ainsi la pollution de l’Occident vers les pays en voie de développement (7).

 

5/ Le développement d’une filière de recyclage textile

L’arrêté fixe un objectif de 70% minimum de vêtements collectés recyclés (pour les vêtements qui ne peuvent pas être réutilisés) pour 2024 et 80% pour 2027.

 

Conclusion

Cet arrêté découle des dispositions prévues par la loi AGEC du 10 février 2020. Cette loi comporte diverses mesures impactant directement l’industrie textile :

- Renforcement du dispositif de bonus-malus dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur

- mise en place d’un affichage environnemental obligatoire sur chaque vêtement et ajout d’une phrase explicative au logo Triman

- Interdiction de détruire des produits neufs invendus

 

Pour voir les autres mesures phares de la loi, consultez notre article dédié.

 

Les mesures prises par le gouvernement sont donc une belle avancée pour rendre la mode plus responsable. Néanmoins, plusieurs critiques ont été formulées face à cet arrêté :

- de nombreuses marques engagées déplorent l’absence de système de pénalisation pour les marques qui commercialisent des produits sans tenir compte d’aucune considération environnementale

- le réemploi et le recyclage ne sont pas des solutions miracles, il est absolument primordial d’encourager les consommateurs à plus de sobriété. Or cet enjeu est totalement absent de la feuille de route du gouvernement.

 

Sources :

(1) Ellen MacArthur Foundation. (2017). A new textiles economy: Redesigning fashion’s future.https://ellenmacarthurfoundation.org/a-new-textiles-economy

(2) International Energy Agency. (2016). Energy, Climate Change & Environment: 2016. p.113

(3) Kant, R. (2012). Textile dyeing industry: An environmental hazard. Natural Science/ Vol. 4. p.23

(4) Eco TLC. (2019). Rapport d’activité 2019.https://refashion.fr/pro/sites/default/files/rapport-etude/ECO_TLC_FR_BD.pdf

(5) ADEME. (2018). La mode sans dessus-dessous.https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf

(6) Chauvot, M. (27 octobre 2020). Le recyclage des vieux vêtements n'est toujours pas viable en Europe.Les Echos.https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/le-recyclage-des-vieux-vetements-nest-toujours-pas-viable-en-europe-1259491

(7) Minter, A. (2021). SECONDHAND : travels in the new global garage sale. Bloomsbury

Newwell illustration

Tout savoir avant de se voir.

Raison d’être, accompagnement, actions,
recevez toute notre présentation au format pdf.

Arrow
Parlons-en

Découvrir nos autres publications

Actualités réglementaires et technologiques
13/12/2023

ZFE-m (Zones à Faibles Emissions mobilité) : de quoi parle-t-on ?

Actualités réglementaires et technologiques
30/10/2023

La CSRD, qu'est-ce que c'est ?

Actualités réglementaires et technologiques
7/9/2023

Le paradoxe de la climatisation

Actualités réglementaires et technologiques
4/5/2023

Un système de primes pour les vêtements durables en France